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Mygale

(Cet article a paru dans le n° 107 de la revue 813, dans le cadre d’un hommage à Thierry Jonquet. )

Un petit idiot qui trouve plus facile de prendre sans demander et produit dans sa bêtise une vie gâchée en échange d’une jouissance fugace. Deux, trois vies, parce que l’humain est un animal social qui vit en unités appelées familles et en rapports appelés sociaux… Ainsi, le lecteur assistera à la lente et terrible vengeance d’un père qui, devant la vie détruite de sa fille, croit qu’il est en droit d’exiger une compensation comme on exige des excuses, sauf que ce paiement-ci passera par le corps, non pas par le discours. Un châtiment corporel, en quelque sorte. Puis le lecteur suivra la lente et non moins terrible compréhension par ce même père qu’il existe des choses détruites qui ne se compensent pas : le sourire insouciant d’un enfant, la confiance d’une jeune fille qui se donne en amour…
Mygale, c’est ça, et bien plus encore. Mygale, comme toute grande œuvre littéraire, pose des questions terribles. Des questions sur la fragilité de la justice et l’inefficacité de la vengeance. Des questions que Thierry Jonquet nous pose à nous, ses lecteurs, roman après roman, sans jamais emprunter les voies faciles de la complaisance ou de la simplification.
Un écrivain, dit-on, interroge le monde. V.S. Naipaul, lui, affirme que l’écrivain est inséparable de son œuvre justement pour cette raison-là. Un écrivain interroge le monde de son unique point de vue d’être humain unique, d’homme ou de femme semblable à nul autre. Thierry Jonquet a travaillé parmi ceux pour qui la douleur s’était transformée en pathologie, ceux pour qui les questions n’avaient plus de sens, et il posait alors ces questions à la place de ceux dont la voix s’était tue. Des questions sur la permanence de l’amour (Le Manoir des immortelles), sur la valeur marchande de l’enfance (Moloch) et sur l’impossible compensation de la perte (Mygale). Des questions difficiles et essentielles, celles qui renvoient à la complexité de l’humain et ainsi à sa beauté, car en questionnant la souffrance humaine de cet unique point de vue qui était le sien, Thierry Jonquet parvient à nous faire entrevoir — entre les lignes, pourrait-on dire — un monde où cette souffrance n’aurait plus lieu d’ être ; un monde où la compassion et l’intelligence auraient le dernier mot.
La voix unique et irremplaçable de Thierry Jonquet s’est tue à son tour, de manière abrupte, trop tôt, bien sûr. Les questions demeurent, plus pertinentes que jamais, seulement il nous manque désormais une voix à la chorale.